Star Wars VII, ou le réveil forcément forcé de la Force
Deux ans... Cela faisait deux ans que je n'avais pas écrit une critique de film ou série TV ou dessin animé sur mon blog (la dernière fois, c'était sur la saison 2 des "Cités d'Or" : http://ildblog.over-blog.fr/2013/11/cit%C3%A9s-%C3%A0-compara%C3%AEtre-2-le-verdict.html). Seulement voilà, j'ai été voir "Star Wars VII : Le Réveil de la Force" au cinéma et... euh... comme on dit : veni, vidi, vichy (je suis venu, j'ai vu, ça m'a donné des gaz)...
Je précise tout de suite à mes lectrices et lecteurs : je suis fan de la trilogie originale (Episodes IV, V et VI) que j'ai vus dans mon enfance et revus en grandissant, et de la trilogie moderne (Episodes I, II et III) qui a progressivement gravi les marches de mon estime à travers les visionnages successifs - mais probablement sans égaler le charme de la trilogie originale qui reste ancrée dans mon enfance. Pour être honnête, l'Episode I - que j'apprécie beaucoup aujourd'hui - m'avait laissé mi-figue mi-raisin après sa vision en salles lors de sa sortie, mais ce n'était RIEN, VRAIMENT RIEN à côté de la déception véhiculée par cet Episode VII...
Je vous avertis tout de suite : à partir de maintenant, il va y avoir des SPOILERS mais y'aura pas d'quoi S'POILER...
Par où commencer ? Les choses se bousculent dans ma tête au moment où j'écris ces lignes. Je pense que je vais isoler trois grands points qui m'ont cruellement désillusionné sur le film :
1) Le rapport aux trilogies précédentes :
Cet Episode VII transpire, dégouline, inonde, suffoque de références aux deux premières trilogies. Le choix de mes verbes précédents est pesé : il ne s'agit pas d'allusions subtiles distillées de manière pertinente et efficace ; il s'agit bien d'un gavage permanent qui peut virer à l'écoeurement. Attention : je peux tout à fait comprendre que le public soit friand de ce genre de choses, d'autant que 30 ans séparent les Episodes IV, V et VI de l'Episode VII. Seulement, ça donne au film un air de "où est Charlie ?" : le spectateur est amené à utiliser son radar oculaire pour cibler ces clins d'oeil - qu'est-ce qu'on est content quand on a trouvé à quel moment de quel film précédent tel instant de l'Episode VII fait référence (et je peux le dire puisque je l'ai fait) ! - et comme les réminiscences sont multiples et abondantes, on se prend facilement à les guetter, voire les anticiper. Encore une fois, j'admets tout à fait qu'on soit raide dingue de ce genre de gimmicks, mais ça ne contribue pas toujours ni nécessairement à rendre le film meilleur. C'est même, à mon avis, le genre de rustine que l'on pose pour masquer d'éventuelles imperfections au scénario - mais j'en reparlerai plus tard. Un exemple tout bête : lorsque Rey récupère son sabre laser enfoncé dans la neige à coups de Force mentale à la fin du film, ça me fait forcément penser à Luke qui le récupère de la même façon dans la grotte où il est prisonnier sur la planète Hoth dans l'épisode V.
2) Les personnages :
Ah, les personnages ! Poe Dameron, le meilleur pilote de la Résistance, est celui qui semble tirer son épingle du jeu (même si on le voit finalement peu), parce que les autres... Finn, le pas-si-méchant Stormtrooper qui se rebelle parce qu'il en a marre de tuer des gentils et qui s'avère être un ressort comique de premier choix... Rey, la pilleuse d'épaves solitaire et torturée sur une planète de sables qui rappelle furieusement Luke Skywalker dans l'Episode IV, voire Anakin Skywalker dans l'Episode I (d'où peut-être un lien de parenté ?!)... Han Solo, Leia Organa et Chewbacca, fidèles à eux-mêmes et porteurs sur leurs frêles épaules du mythe de la trilogie originale, tout comme C3PO et R2D2 qui apparaissent tard dans le film - la palme du ridicule revenant, à mon avis, à R2D2 qui se remet en fonction pile-poil-quand-il-faut avant la fin du film, mais c'était bien sûr pour laisser la part belle à BB-8, le nouveau robot tout mimi de l'Episode VII. Mais il faut que je sois honnête : la VRAIE palme du ridicule revient à Kylo Ren, le méchant pas-si-méchant-mais-en-fait-si-quand-même officiant du côté obscur de la Force, celui qui est incapable de se rendre compte qu'Han Solo est à quelques mètres derrière lui lors de leur rencontre à la fin du film, alors qu'il avait senti sa présence grâce à la Force à des kilomètres de distance plusieurs minutes auparavant ; celui qui se sert avec délectation de la Force pour martyriser Poe Dameron afin d'obtenir la localisation de BB-8 et qui utilise son sabre laser d'une manière aussi agitée qu'infantile pour ravager les ordinateurs devant lesquels il se tient debout parce que ses sous-fifres ont malheureusement échoué dans la récupération des prisonniers ; celui qui essaye d'impressionner le spectateur avec son sabre laser avec garde laser et son masque terrifiant, masque qu'il enlève à la moitié du film, révélant ainsi une jeunesse aussi peu expérimentée qu'effrayante et sabotant ainsi son charisme en dédramatisant radicalement l'intensité de sa méchanceté - si tant est qu'il y en avait une trace ! Je ne ferai qu'une rapide mention de Snoke, Leader Suprême du Premier Ordre (qui a pris la suite de l'Empire Galactique), et dont l'origine autant que le sort me laissent complètement indifférent. Pour terminer sur ce point, on notera l'apparition fugitive mais grandiose de Luke Skywalker à la fin du film, qui constitue LE teaser de-la-mort-qui-tue-la-vie-vivante et qui DOIT encourager les spectateurs à se ruer vers leurs salles obscures les plus proches à la sortie du futur Episode VIII.
3) Le scénario :
Quel scénario ? Non, sans rire, je pense être lucide en affirmant que Star Wars VII avale les histoires des six premiers Episodes, les malaxe, les digère et les recrache en cette synthèse patchworkée visible à l'écran. Impossible de le nier : on revoit TOUT ce qui a déjà été fait : la Force qui se réveille avec l'apparition d'une personne douée de capacités étranges (Anakin dans l'Episode I = Rey dans l'Episode VII), un robot porteur d'une information cruciale pour l'avenir qui doit rejoindre une personne ou un endroit précis (R2D2 dans l'Episode IV = BB-8 dans l'Episode VII), un être doué de la Force tiraillé entre le Bien et le Mal (Anakin dans l'Episode II = Kylo Ren dans l'Episode VII), la construction et la mise en action d'une arme destructrice (l'Etoile de la Mort dans les Episodes IV et VI = le Starkiller dans l'Episode VII), la destruction des instances politiques en fonction (le Sénat dans l'Episode III, au bout de trois films de deux heures = la Nouvelle République dans l'Episode VII, en quelques secondes), la révélation d'un second être doué de la Force (Leia par rapport à Luke dans l'Episode V = Rey par rapport à Kylo Ren dans l'Episode VII), un être qui ressent la mort d'autres personnes grâce à la Force (Yoda dans l'Episode III = Leia dans l'Episode VII) - je pense que je vais m'arrêter là, car je pense avoir prouvé ce que j'avançais. Et je ne peux non plus fermer les yeux sur de gros problèmes ou soucis de cohérence. Outre l'acuité capricieuse de la Force chez Kylo Ren que j'ai déjà mentionnée auparavant, je peux encore citer le fameux fragment de carte détenu par BB-8 censé permettre la localisation de Luke Skywalker : si je considère que BB-8 détenait un petit fragment contenant la localisation exacte de Luke (donc la "fin" de la carte), je trouve surprenant que le Premier Ordre n'ait pas pu trouver Luke auparavant s'il détenait le "début" de la carte, car il lui suffisait simplement de circonscrire ses recherches dans la zone non élucidée de la carte, carte dont il semble détenir 85% avec une zone manquante qui se trouve EN PLEIN MILIEU DE LA CARTE ! N'oublions pas la question cruciale de Han Solo posée à l'ersatz de Yoda appelée Maz Kanata ("comment es-tu entrée en possession du sabre laser de Luke ?") et la réponse déconcertante qui est faite : "ce n'est pas le moment de répondre" - ben si, justement, j'aimerais bien savoir, parce que c'est le genre de truc qui me pousse à dire que les scénaristes ont utilisé un raccourci fort pratique pour éluder le sujet. Applaudissons encore plus fort le talent sans doute inné (et bien pratique) dont les scénaristes ont doté Finn et Rey : chacun d'entre eux manie le sabre laser avec audace et facilité, mais de manière décidément insoupçonnable ! Et cette scène hilarante où Rey subjugue un Stormtrooper par l'usage vocal de la Force pour le contraindre à la libérer : ça m'a fait penser à l'usage de la Voix dans le film "Dune". Car oui, messieurs-dames, de l'humour, il y en a, mais encore une fois, pas subtil, pas dispensé par touches précises : c'est de l'humour bien cocasse, un peu lourdaud avec quiproquos, petites embrouilles et chamailleries. A l'inverse, la violence est assez limitée dans le film, et même le moment le plus violent du film (tant physiquement que psychologiquement), à savoir l'assassinat de Han Solo par son fils Kylo Ren, est plutôt édulcoré.
Voilà. J'en ai sans doute oublié beaucoup, mais je pense que c'est déjà pas mal - voire trop pour ceux qui ne seront pas d'accord avec moi. Devant ma réaction peu enthousiaste envers le film, ma femme m'a dit "tu sais, c'est un Disney !", et elle n'a pas tort, car je peux aisément dire que les scénaristes ont fait un "pied-Disney" (pied-de-nez à la sauce Disney) à la saga d'origine. En définitive, ce qui me choque le plus, c'est d'une part l'intention ostentatoire de ratisser large pour satisfaire tous les fans, notamment ceux de la première heure en les abreuvant de nostalgie rassurante, et d'autre part l'absence notoire de prise de risque scénaristique pour emmener la saga sur de nouvelles pistes - on refait ce qui a été fait pour ne fâcher personne - et c'est là que je me rends compte du respect que j'ai gagné pour l'Episode I, que j'accusais à l'époque d'être trop éloigné de la trilogie d'origine, mais qui en fait posait les bases d'une histoire nouvelle (bien qu'étant une préquelle dont on connaissait déjà l'issue), alors que cet Episode VII se contente d'essayer de faire du neuf avec du vieux en y mettant plus de vieux que de neuf. Pour conclure, la seule qualité que je trouve à Star Wars VII est que c'est un film qui fait du spectacle : c'est bien, mais c'est probablement et justement la seule chose qu'il parvient à faire bien. Maintenant, j'attends ardemment l'avis de mes amis Frank et Grand David, grands fans assidus de l'univers Star Wars...